Le Maroc fait face à des défis liés à des questions fondamentales à caractère stratégique (Mme El Adaoui)

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Rabat – Les défis auxquels le Maroc est confronté actuellement sont liés à quatre questions fondamentales à caractère stratégique, a souligné mercredi à Rabat le Premier président de la Cour des comptes, Zineb El Adaoui.

Dans une présentation sur l’action de la Cour présentée devant les deux chambres du Parlement en application des dispositions de l’article 148 de la Constitution, Mme El Adaoui a expliqué que ces questions stratégiques comprennent “l’état des finances publiques au cours de la période 2019-202”, “les politiques publiques concernées par l’élément humain : éducation en milieu rural et couverture sanitaire”, “la politique publique dans le domaine de l’eau”, et “la mise en œuvre de projets publics au niveau des régions du Royaume”.

S’agissant des défis liés à l’état des finances publiques durant la période 2019-2021 et son évolution à moyen terme, le Premier président de la Cour des comptes a indiqué que le Royaume est entré dans une nouvelle phase de fluctuations qui s’accompagne de risques accumulés en matière d’équilibres macroéconomiques.

Sur la base des comptes nationaux de 2007 et selon les dernières données publiées par le ministère de l’Économie et des finances, Mme El Adaoui a indiqué que l’année 2019 a été marquée par une relative stabilité du déficit budgétaire à un niveau équivalent à 3,6% du produit intérieur brut (PIB), ainsi que la stabilité de la dette du Trésor à 64,9 % du PIB.

Elle a ajouté que la conjoncture particulière en 2020 a dicté le recours à la loi de finances rectificative, en raison du contexte exceptionnel de la pandémie Covid-19 et de ses répercussions directes et profondes sur les finances publiques du pays, à l’instar de la majorité des pays du monde.

L’année 2021 a enregistré une amélioration remarquable en termes d’indicateurs économiques et financiers grâce aux mesures qui ont été progressivement mises en œuvre dans le cadre du plan de relance économique pour sortir de la crise de Covid-19 et de ses conséquences, ainsi qu’à la bonne campagne agricole durant cette même période, où le déficit budgétaire a diminué à 5,9 % du PIB, a-t-elle fait observer.

Mme El Adaoui a également relevé que la dette du Trésor a affiché une amélioration relative par rapport au PIB pour se situer à 74,2%, malgré l’augmentation du volume de la dette en valeur absolue, qui est passé de 6,832 milliards de dirhams (MMDH) à 3,885 MMDH entre 2020 et 2021.

La situation des finances publiques au cours du premier semestre de 2022 semble être “extrêmement compliquée” en raison des contraintes simultanées liées à la sécheresse, à la hausse remarquable des prix internationaux de l’énergie et des produits de base, en plus des risques d’inflation et ses répercussions sur l’économie nationale, a-t-elle noté.

Elle a souligné que la Cour des comptes s’est félicitée, à cet égard, de la mise en place du mécanisme du Comité de veille stratégique (CVS), qui comprend des acteurs économiques, pour suivre les éventuelles répercussions auxquelles fait face l’économie nationale et atténuer leur impact sur le citoyen et les entreprises concernées.

Compte tenu du niveau élevé de la dette publique, Mme El Adaoui a jugé impératif d’œuvrer, à court et moyen terme, à la prise de mesures budgétaires afin d’assurer des marges pour financer les réformes structurelles nécessaires, tout en veillant à remettre le taux d’endettement public dans une tendance baissière.

Sur la même lignée, la Cour des comptes a indiqué que l’accélération de la réforme des établissements et des entreprises publiques, menée sur Haute initiative royale et approuvée par l’institution législative, revêt une grande importance en raison de ses impacts sur les finances publiques, tant en termes d’orientations stratégiques du secteur public ou en matière de flux financiers en lien avec le budget de l’État.

D’autre part, le rapport a abordé pour la première fois les progrès réalisés en matière de mise en œuvre des exigences liées à la méthodologie d’efficacité de la performance, comme l’une des nouveautés de la Loi organique des finances pour l’année 2015, sachant que d’importants efforts ont été observés dans le processus d’adoption à grande échelle de cette méthodologie, qui a contribué à un dynamisme positif dans la gestion des finances publiques.

Le rapport a évoqué en revanche plusieurs lacunes qui impactent les résultats de cette méthodologie, à savoir “une harmonie limitée entre les stratégies sectorielles, la manière de leur mise en œuvre dans les programmes budgétaires, l’adoption d’un grand nombre d’objectifs et d’indicateurs qui sont parfois difficiles à suivre, en plus de l’absence d’un système informatique permettant de suivre l’efficacité de la performance”.

Dans le cadre des finances publiques, la Cour a souligné l’urgence de la réforme des régimes de retraite, notant que la couverture de retraite pour la population active reste toujours limitée.

Sur les 5,4 millions de personnes à fin 2020, le taux de cette couverture ne dépasse pas les 42%, en dépit des progrès remarquables enregistrés au niveau de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).

Comme les années précédentes, le rapport a présenté une analyse de l’état des régimes de retraite, qui connaissent des difficultés croissantes quant à leur pérennité et à leur équilibre financier.

La Cour des comptes a ainsi recommandé de réformer la gouvernance et le leadership de ces systèmes, de poursuivre la révision et l’adaptation des normes des régimes de retraite, d’assurer des convergences entre eux avec le cadre cible, en plus d’accélérer la cadence des réformes normatives, ainsi que le développement de solutions de financement adaptées et innovantes, dans le cadre d’une feuille de route globale pour le système de réformes structurelles.

Le deuxième type de défis est liée aux politiques publiques qui traitent l’élément humain comme levier de développement et cible centrale des programmes et réformes structurantes en cours, en l’occurrence les secteurs de l’éducation et de la couverture sanitaire.

Au premier rang de ces défis se trouve la scolarisation en milieu rural, sachant que cet axe s’inscrit dans les plus importantes stratégies d’éducation et de formation adoptées dans le Royaume, notamment la Charte nationale d’éducation et de formation, le programme d’urgence et la vision stratégique 2015-2030.

Dans ce contexte, Mme El Adaoui a mis avant l’intérêt de l’État pour la scolarisation en milieu rural à travers l’effort public alloué à cet effet, puisque le coût de chaque élève est passé, entre 2017 et 2019, au titre des dépenses de gestion, de 7.580 dirhams à 7.985 dirhams en milieu rural, tandis que ce coût a connu une augmentation de 6.391 dirhams à 6.788 dirhams en milieu urbain durant cette même période.

L’évaluation de la Cour des comptes a néanmoins montré que le bilan de la scolarisation en milieu rural, malgré l’amélioration tangible enregistrée, reste en deçà des ambitions sur plusieurs plans.

Au niveau de la scolarisation universelle et de l’égalité des sexes dans le cycle primaire, notamment suite aux efforts pour encourager la scolarisation des filles, ces deux acquis ne se maintiennent pas après le passage aux cycles collégial et qualifiant.

S’agissant de la qualité et de l’encadrement, les contenus pédagogiques ne répondent pas toujours aux exigences de l’éducation moderne, en plus du manque d’égalité des chances pour bénéficier des cours à distance pendant la pandémie de Covid_19, notamment en ce qui concerne la mise à disposition des moyens et outils nécessaires .

La Cours des comptes a également constaté le manque de disponibilité des inspecteurs pédagogiques, la faiblesse des opérations d’orientation, en plus du phénomène d’absentéisme des enseignants et la faiblesse des équipements dans les structures scolaires.

Dans un autre registre, Mme El Adoaui a souligné que, sur Haute initiative royale, il a été procédé à la mise en place d’une couverture sanitaire obligatoire, à travers l’assurance maladie de base, portant sur les dépenses médicales et médicamenteuses, l’hospitalisation et le traitement.

Dans le cadre de la mise en application de ces chantiers stratégiques, la Cour des comptes a passé en revue le bilan de la couverture sanitaire de base durant la période 2006-2019.

La Cour a en outre relevé qu’environ un tiers de la population (29,8%) ne sont pas inclus dans la couverture sanitaire, ajoutant que cela s’applique particulièrement aux travailleurs non salariés.

Elle a également noté que l’assurance maladie obligatoire de base (AMO) dans son état actuel reste tributaire des instances de gouvernance des caisses qui la gèrent, tandis que le régime d’assistance médicale ne dispose pas d’un organe chargé de sa gestion et de sa gouvernance.

S’agissant des données de l’année 2020, l’évolution des dépenses du régime de l’AMO est affectée notamment par trois principaux paramètres, à savoir la prédominance des dépenses pour les maladies chroniques ou onéreuses, l’importance des dépenses pour les médicaments, qui représentent un tiers des dépenses des services de traitement, ainsi que la tendance haussière de l’indice de morbidité.

Concernant le panier de soins et le taux de prise en charge des frais qui y sont associés, la Cour des comptes a fait état de l’absence d’un système pour la mise à jour régulière de ce panier qui n’accompagne pas l’évolution des services médicaux, eux-mêmes liés au développement des technologies et des sciences médicales, ajoutant que le taux faible de la prise en charge effective des frais de traitements médicaux fait que les bénéficiaires supportent la part restante.

Afin de remédier à ces dysfonctionnements, la Cour des comptes recommande de mettre en place un cadre approprié de gouvernance du système de la couverture médicale de base dans sa globalité et de mettre en place un organe de contrôle indépendant doté des prérogatives et des moyens nécessaires, en plus de revoir les critères de financement de ce système et la mise en place de mécanismes pour assurer la diversification des ressources et des modes de financement, dans la perspective de la généralisation de l’AMO pour inclure les bénéficiaires du régime d’assistance médiale d’ici la fin de cette année.

La Cour a aussi mis l’accent sur la nécessité de développer et de qualifier les établissements hospitaliers et les unités de santé publique à tous les niveaux, comme levier majeur du système de couverture médicale de base, d’intensifier le contrôle du secteur privé, en plus de développer une stratégie efficace du médicament.

Le troisième type de défis concerne les politiques publiques dans le domaine de l’eau. En termes de rareté des ressources en eau, le Royaume fait partie des vingt pays qui sont classés globalement en situation de “stress hydrique”.

En année ordinaire, le Maroc dispose de ressources en eau estimées à environ 22 milliards de mètres cubes, soit environ 650 mètres cubes par personne actuellement, qui est en dessous du seuil de stress hydrique fixé à 1.000 m3 par personne.

Mme El Adaoui a souligné que cette situation reflète le besoin urgent de changer plusieurs phénomènes négatifs et comportements irresponsables dans la façon dont l’eau est utilisée, comme la pollution de l’eau.

Elle a précisé que le coût de la détérioration des ressources hydriques due à la pollution est estimé à 1,26% du PIB, alors que la pollution industrielle représente 18,5 % de ce coût, appelant à la concrétisation du principe de responsabilité “pollueur-payeur”, notamment à travers la mise en application des mécanismes juridiques disponibles, ainsi que le renforcement des prérogatives de la police de l’eau.

Le Premier président de la Cour des comptes a également indiqué que la quantité de ressources en eau épuisées et non renouvelables est estimée à 1,1 milliard de m3 par an, rappelant que le nombre d’usagers de l’eau sans autorisation reste très élevé.

Elle a cité un recensement effectué par le ministère de tutelle selon lequel leur nombre a atteint plus de 102.000 utilisateurs, tandis que ceux qui disposent d’autorisations ne dépassent pas la moitié de ce nombre.

S’agissant de la mobilisation et de la valorisation des ressources en eau, Mme El Adaoui a évoqué une répartition structurelle déséquilibrée entre les bassins hydriques en termes d’approvisionnements annuels en eau. De ce fait, certains bassins sont excédentaires sans possibilité d’en bénéficier, tandis que d’autres zones souffrent de la difficulté d’approvisionnement en ressources hydriques pour l’irrigation et même en eau potable dans certains cas, a-t-elle fait remarquer.

Par conséquent, la Cour a recommandé la mise en œuvre de projets rentables visant à assurer une liaison entre les bassins hydrauliques et de développer une gestion intégrée pour les systèmes environnementaux afin de mieux protéger les barrages contre le phénomène d’envasement, qui entraîne une diminution de la capacité totale de stockage d’environ 75 millions m3 annuellement.

Afin de surmonter les difficultés rencontrées dans le processus de coordination entre les acteurs du secteur de l’eau, la Cour des comptes a recommandé d’activer et de renforcer le rôle des instances de concertation, de coordination et d’orientation stratégique aux niveaux national, régional et local, en plus d’accélérer le projet en cours relatif au système d’information intégré sur l’eau.

Pour régler le problème de gestion du triangle “eau-énergie-agriculture”, qui se caractérise encore par une approche sectorielle plutôt que par une logique d’intégration et de coordination entre les territoires, la Cour a recommandé de favoriser la complémentarité des éléments de ce triangle de manière à permettre la convergence des trois secteurs et leur intégration territoriale et la mise en adéquation de leurs stratégies.

Face aux contraintes constatées en matière de financement, et compte tenu du faible nombre de contrats conclus entre les secteurs public et privé, Mme El Adaoui a jugé nécessaire de développer un partenariat efficace entre les deux secteurs, d’identifier en parallèle les risques et les priorités, et de relever les défis liés à la réglementation, au financement, à la concurrence, à l’expertise et à l’innovation.

Considérant que les systèmes tarifaires actuellement adoptés ne sont plus adaptés à une gestion rationnelle des ressources en eau, la Cour a recommandé qu’une étude soit menée sur un ciblage approprié et procéder, le cas échéant, à une révision de la tarification de l’eau et du système d’assainissement, en tenant compte de la situation sociale des catégories les plus vulnérables.

Quant au quatrième type de défis, le Premier président de la Cour des comptes a évoqué la gestion la plus efficace des projets publics mis en œuvre dans les régions du Royaume.

Elle a souligné que les cours régionales des comptes ont accompli une mission thématique sur la gestion des projets publics au niveau des régions du Royaume, notamment ceux qui connaissent des difficultés en matière de réalisation ou d’exploitation, précisant qu’il s’agit de projets à caractère économique ou social.

Elle a expliqué que cette mission a été menée en deux phases: la première s’est achevée en 2020 et a porté sur un inventaire des projets qui connaissent des difficultés, une évaluation de leur importance et de leur nature, ainsi que les raisons derrière cette situation, tandis que la deuxième phase, qui a duré jusqu’à fin avril 2021, a été principalement consacrée à la clarification de l’impact de la mission de contrôle.

Cette mission thématique a conclu que la gestion des projets publics souffre, dans certains cas, d’un ensemble de dysfonctionnements, a fait remarquer Mme El Adaoui, ajoutant que l’émergence de plusieurs difficultés de mise en œuvre ou d’exploitation a affecté négativement leur efficacité et leur rentabilité, et a par conséquent conduit à la l’absence d’utilisation optimale de ceux-ci par le citoyen ou l’investisseur.

Le bilan des projets en difficulté, qui ont été constatés jusqu’à fin 2020, a connu une baisse importante, a-t-elle fait savoir, relevant que sur 2.635 projets, quelque 1.147 d’entre eux réussi, après seulement quatre mois, à surmonter les difficultés qu’ils connaissaient.

Le coût total des projets traités a atteint environ 8,8 milliards de dirhams, qui ont été effectivement dépensés, soit 46% de la couverture totale de l’ensemble de ces projets, a précisé Mme El Adaoui.

Elle a noté que les cours régionales des comptes ont pu suivre les causes les plus importantes de ces difficultés liées à la phase de planification du projet, qui se résument à l’absence ou la faiblesse des études techniques et financières et des études de faisabilité, une coordination limitée entre les parties prenantes pendant la phase de planification. S’y ajoutent le manque de précision des engagements dans des conventions de partenariat, le non-règlement de la situation de certains biens immobiliers devant abriter les projets publics, ainsi que le choix des sites inappropriés ou non convenus.

Pour contribuer à trouver des solutions pour les projets qui souffrent encore de difficultés de mise en œuvre ou d’exploitation, la Cour des comptes a recommandé notamment la création d’une commission au niveau régional, qui se charge de suivre ces projets, assurer leur mise en œuvre et, le cas échéant, de reconsidérer les domaines de leur exploitation.

Mme El Adaoui a aussi indiqué que la Cour a recommandé notamment la précision et clarté lors de l’étude des besoins pour les projets à réaliser dans l’avenir et de s’assurer de la compatibilité des projets programmés et leurs objectifs avec les orientations de plans et programmes aux niveaux régional et national, insistant sur la nécessité de la concertation, de la coordination, ainsi que l’implication de toutes les parties prenantes potentielles, en particulier les départements de tutelle et les catégories bénéficiaires, avant d’élaborer le concept initial du projet.

La Cour a également recommandé la mise à disposition d’un bien immobilier dans une situation juridique saine et appropriée en termes de superficie, de coût et de localisation, compte tenu des critères du projet et de la nature des catégories bénéficiaires, ainsi que l’identification du modèle d’exploitation et de sa pérennité en matière de partie en charge, de ressources nécessaires et de définition d’indicateurs de suivi et d’évaluation.

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