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Hausse du taux directeur: Trois questions à l’économiste Abdelghani Youmni

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Casablanca – L’économiste et spécialiste des politiques publiques, Abdelghani Youmni, a analysé, dans un entretien à la MAP, la décision de Bank Al-Maghrib (BAM) d’augmenter le taux directeur de 50 points de base (pbs) à 2% et comment devrait-elle impacter l’économie nationale.

Quelle est votre lecture de la décision de BAM de relever le taux directeur ?

La décision de relever le taux directeur par BAM est un secret polichinelle. Le Wali de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri, a prononcé cette décision sans préciser la teneur de la saison estivale de 2022, conditionnée par l’évolution de la conjoncture nationale et internationale.

En 2020, BAM a baissé et à deux reprises le taux directeur en mars puis en juin pour cause des effets du gel de l’économie suite au confinement de 120 jours en le ramenant de 2,25% à 1,5%.

Aussi, il faut reconnaître aussi que la gouvernance des autorités monétaires marocaines par le biais d’une politique accommodante et macro prudentielle a toujours été la norme et qu’elle a toujours porté ses fruits dans la stabilisation des prix et le maintien de la robustesse du dirham face aux turbulences sur les marchés de change et des matières premières.

Autre élément de l’équation à prendre en compte est que l’inflation au Maroc n’est pas monétaire, elle est importée et énergétique, portée par l’agrégation de facteurs externes comme les hausses du coût du fret, du cours de pétrole, du gaz et des céréales et internes comme les effets de la sécheresse et surtout les hausses incessantes du prix de l’essence et du gasoil à la pompe.

Le choix d’une contraction et d’un resserrement de la politique monétaire suivi par l’augmentation du taux directeur est une décision qui concilie d’une part la volonté de poursuivre le soutien des entreprises et les demandes de crédits pour davantage d’investissements et une consommation favorable à l’emploi et à la croissance économique, et d’autre part le choix de juguler l’inflation, de défendre le dirham et d’encourager l’épargne intérieure et extérieure.

Comment cette décision devrait-elle impacter l’économie nationale ?

En théorie, lorsque les taux d’intérêt des banques centrales augmentent, il devient plus cher de s’endetter aussi bien pour les entreprises que pour les ménages. Cela fait baisser la demande en biens et services et en investissement et par effet de contrecoup limite l’accélération de l’inflation et la dépréciation de la monnaie nationale.

La tendance au resserrement des politiques monétaires est mondiale. Le Maroc, en tant que pays à économie ouverte sur le commerce international n’est pas une exception.

Une hausse du taux directeur de 0,5 point n’affectera pas sur le court terme les composantes macroéconomiques de l’économie comme la croissance économique et l’emploi, mais pourrait ralentir le taux d’investissement des entreprises dans le secteur de l’immobilier.

Cela permettra également une légère appréciation du dirham face au dollar. Cependant, sur le marché des capitaux, les investisseurs pourraient délaisser le marché des actions au profit d’obligations souveraines de moyen et long terme.

La réduction du ratio de liquidité sur le marché permettra de baisser la masse monétaire et de freiner la circulation de la monnaie mais n’aura pas d’impact sur le rythme de la création de la valeur ajoutée et de la croissance économique qui ne dépend pas encore suffisamment de l’emploi au Maroc mais principalement de la pluviométrie, des prouesses de nos exportations de phosphates et d’engrais, des secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et de l’agroalimentaire.

L’Argentier du Maroc, tout en reconnaissant l’existence de zones d’incertitudes liées à la crise sanitaire, aux difficultés d’approvisionnement à l’international et à l’issue de la guerre en Ukraine, a pari davantage sur le caractère résilient de l’économie marocaine et la spécificité du Maroc de ne pas être un guêpier de l’inflation.

Quid des perspectives d’ici la fin de l’année 2022 ?

Les perspectives d’ici la fin de l’année 2022 ne dépendent pas uniquement du taux directeur car la politique monétaire n’est qu’une jambe de l’économie marocaine qui, en plus de la non convertibilité du dirham et de la faible épaisseur du marché financier, n’exerce pas un effet significatif sur la croissance économique et la création d’emploi ainsi que sur la sauvegarde du pouvoir d’achat des ménages.

Si une leçon devrait être retenues des crises économiques qu’a connu le Royaume c’est que les autorités monétaires ont toujours excellé dans la sanctuarisation du dirham et dans l’absorption des effets de l’inflation et la stabilisation macroéconomique du pays sans jamais pouvoir contribuer significativement à la création d’une croissance potentielle.

Face à la gravité de la crise économique et des dangers de l’inflation, les perspectives pour la fin 2022 et la fin 2023 reposent sur la campagne agricole à venir, sur le niveau de remplissage des barrages, sur le coût de revient réel du kilowatt heure et sur la poursuite du dynamisme marocain à attirer des investissements directs étrangers (IDE) et davantage de chaînes de valeurs globales.

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