SA non cotées: Fin des actions au porteur ?

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Par Youness Akrim

Casablanca – Le débat sur le régime des actions au porteur est de nouveau relancé au Maroc, dans le sillage de la publication d’un avant projet de loi qui prévoit la conversion de cette catégorie de titres en actions nominatives au niveau des sociétés anonymes non cotées.

Soumis aux commentaires du public sur le portail du Secrétariat Général du Gouvernement, l’avant projet de loi 96-21, modifiant et complétant la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes, propose un délai de deux ans pour convertir en actions nominatives les actions au porteur antérieurement émises.

La régularisation des actions au porteur a fait objet auparavant d’un avant-projet de loi n° 92-18 qui a prévu également de supprimer la possibilité d’émettre des actions au porteur pour les sociétés qui ne sont pas cotées en Bourse.

Si ce sujet suscite autant d’attention sur les sphères juridiques et économiques, c’est grâce à son interaction avec les exigences de transparence fiscale qui gagnent de plus en plus d’importance à travers le monde.

La note de présentation dudit projet souligne que cette modification s’inscrit dans le cadre de l’adhésion du Maroc au Forum Mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales en octobre 2011, l’assurance de la transparence de l’actionnariat des sociétés et la lutte contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale.

Contactée par la MAP, Maître Nawal Ghaouti, avocat agréé près la Cour de Cassation a rappelé que l’interdiction des actions au porteur est l’un des principaux axes de travail du Forum mondial qui vise à identifier les « bénéficiaires effectifs » du capital afin d’éviter que des fraudeurs fiscaux dissimulent leurs avoirs dans des entités opaques.

« L’interdiction projetée de la catégorie des actions au porteur va constituer un véritable changement de paradigme pour de nombreuses sociétés et notamment les PME marocaines, en faisant perdre à la SA tout le sens premier de sa dénomination », a-t-elle estimé.

Et de soutenir: « Par opposition aux sociétés de personnes, la libre cessibilité des titres et la limitation des responsabilités des actionnaires au montant de leurs apports rendaient à l’origine la connaissance de leur identité sans réelle importance au sein de la SA ».

Parlant de la cible de cette modification, elle a souligné que « les actions au porteur admises à la cotation demeurent hors du champ d’application de cette obligation de conversion qui ne concerne donc pas une large partie des investisseurs et se limite aux SA fermées ».

Maître Ghaouti a rappelé le mode de transmission d’actions au porteur par simple remise du titre au cessionnaire qui « permet au cédant indélicat de ne pas déclarer la plus value réalisée et de demeurer anonyme aux yeux du fisc ».

Désormais, « l’identification des actionnaires , y compris par les services de la DGI par simple consultation du registre des transferts, contraindra à déclarer toute cession qui sera soumise à l’imposition des profits des capitaux mobiliers de son bénéficiaire », a fait remarquer Maître Ghaouti.

Outre cette conséquence directe, l’échange automatique des données au niveau international permettra à des pays étrangers de localiser les avoirs d’investisseurs qui auraient choisi éventuellement le Maroc pour échapper à leur régime fiscal, a-t-elle relevé.

Au niveau international, les modifications portant sur le régime juridique de l’actionnariat ne passent pas souvent inaperçues, eu égard à l’importance du volume transactionnel et le nombre significatif des actionnaires impliqués.

« Dans certains pays, le poids des usages est tel que le terme révolution a été régulièrement employé pour qualifier cette réforme, et ce, à plusieurs égards », a indiqué Maître Ghaouti.

Et d’expliquer que les plus fortes réticences des sphères économiques étaient liées à des considérations fiscales, ajoutant que l’inquiétude de ces actionnaires était de se voir demander l’origine de leurs avoirs, en sortant de l’anonymat.

« L’étau se resserre au niveau mondial sur la nécessaire traçabilité des avoirs et transparence de l’identité des bénéficiaires effectifs des opérations financières, quel qu’en soit le territoire, sans oublier la folle attractivité des Bitcoins et autres crypto monnaies qui assurent à leurs titulaires un anonymat retrouvé », a conclu Maître Ghaouti.

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